L’indemnisation du licenciement prononcé dans des conditions vexatoires

Un licenciement prononcé dans des conditions vexatoires donne droit a une indemnisation distincte et indépendante d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un licenciement est prononcé à l’encontre d’un salarié, les circonstances dans lesquelles ce licenciement est mis en œuvre, peuvent faire l’objet d’un litige, indépendamment du bien fondé de cette mesure.

En cas d’abus de l’employeur dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement, ce dernier s’expose à une sanction, même si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur quel fondement ?

En application de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi par les parties au contrat.

Cette obligation d’exécution de bonne foi est maintenue jusqu’au terme effectif du contrat de travail, ce qui signifie qu’une mesure de licenciement engagée à l’encontre d’un salarié doit être mise en œuvre dans le respect de ce principe.

A ce titre, toute mesure de licenciement qui serait prononcée dans des conditions vexatoires pour le salarié peut donner lieu à une action en réparation du préjudice causé au salarié devant le Conseil de prud’hommes, indépendamment du motif de licenciement.

L’indemnité que pourra percevoir le salarié n’est pas soumise au barème instauré par les Ordonnances « Macron » et est donc laissée à l’appréciation souveraine des juges.

En effet, un salarié pourra être indemnisé au titre d’un licenciement vexatoire, alors même que son licenciement serait justifié, et ce, même en cas de faute grave (Cass. Soc., 31 mars 2010, n°09-41016 ; 10 juillet 2013, n°12-19740 ; 22 juin 2016, n°14-15171).

De la même manière, un salarié peut bénéficier de deux réparations distinctes dans le cas d’un licenciement prononcé dans des conditions vexatoires et reconnu sans cause réelle et sérieuse :

  • l’une réparant le préjudice tenant aux conditions vexatoires du licenciement,
  • l’autre au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 12 mars 1987, n°84-41002 ; 17 juillet 1996, n°93-41116).

 

Indemnisation

Les circonstances vexatoires d’un licenciement

Le caractère vexatoire d’une mesure de licenciement sera reconnu lorsque la procédure engagée à l’égard du salarié a été de nature à le discréditer ou à porter atteinte à sa dignité.

En l’absence de définition dans le Code du travail, la Cour de cassation a précisé les contours de cette notion de licenciement vexatoire.

De nombreux exemples permettent d’identifier les hypothèses dans lesquelles les circonstances d’un licenciement constituent un abus de droit de la part de l’employeur.

Le caractère vexatoire d’un licenciement a ainsi été reconnu lorsqu’il a été prononcé dans les circonstances suivantes :

  • Lorsque l’employeur interdit l’accès à l’entreprise au salarié et qu’il l’empêche d’avoir accès à ses affaires personnelles, alors même qu’aucune faute grave n’est invoquée à son encontre (Cass. Soc., 7 juin 2006, n°04-40.912) ;
  • Lorsqu’un salarié licencié est dispensé d’activité pour la période de préavis, l’empêchant ainsi de saluer ses collègues, mais également de s’expliquer sur les raisons de son départ, à tel point que son image et sa réputation étaient ternies en raison de la soudaineté de la rupture après plusieurs années d’investissement et d’implication (Cour d’appel de Paris, 7 novembre 1991, n°91-32298 ; Cass. Soc., 27 septembre 2017, n°16-14.040) ;
  • Lorsque le salarié est dispensé d’activité dès l’issue de l’entretien préalable, avant même que la société n’ait pris une décision définitive et notifié le licenciement et alors même que le salarié était attendu par les membres de la société et des clients pour participer à un séminaire de travail (Cour d’appel de Paris, 18 mars 2010, n°07/03953) ;
  • Lorsque l’employeur contraint un salarié de quitter brutalement son emploi pour des faits dont la preuve n’est pas apportée (Cass. Soc., 29 octobre 2014, n°13-18173) ;
  • Lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique, qui n’est pas la cause véritable du licenciement et alors qu’un départ immédiat lui est imposé après 18 ans passés au sein d’une société dont la notoriété résultait essentiellement de son travail (Cass. Soc., 10 janvier 2006, n°10-03-42395).

 

Au-delà même du caractère vexatoire d’une telle mesure, la jurisprudence a précisé que la dispense d’activité, en l’absence de justification d’un trouble au fonctionnement de l’entreprise, portait atteinte aux droits de la défense, le salarié étant privé de la possibilité de réunir les éléments utiles à sa défense (Cour d’appel de Paris, 22 novembre 2016, n°15/13348).

Il ressort de ces décisions que le salarié doit démontrer l’existence d’un préjudice subi en raison des conditions dans lesquelles le licenciement a été prononcé.

Ce préjudice peut notamment résulter de :

  • La brutalité et la soudaineté de la mise à l’écart et de la mesure de licenciement, notamment lorsque le salarié aura une grande ancienneté et de bons résultats professionnels ;
  • De l’impact négatif d’une mise à l’écart sur l’image et la réputation professionnelle d’un salarié.

 

D’une façon générale, l’employeur commet un abus de droit lorsqu’il écarte brutalement le salarié de la société, dès le commencement de la procédure de licenciement, sans aucune justification et en l’absence de tout risque d’un trouble au fonctionnement de l’entreprise.

Aussi, l’employeur commet un abus de droit lorsqu’il licencie pour motif économique un salarié ayant 29 ans d’ancienneté et lui demande de ne plus réapparaître dans la société (Cass. Soc., 16 décembre 1998, n°96-43.932).

En conclusion, toute procédure de licenciement, quel que soit le motif, doit être mise en œuvre dans des conditions respectueuses du salarié.

Tout abus, causant un préjudice au salarié, peut donner lieu à réparation, et ce indépendamment du bien fondé de la mesure de licenciement.

Article co-écrit avec Monsieur Samir LAABOUKI (Elève – avocat stagiaire au cabinet). 

Avocate inscrite au Barreau de Paris depuis mars 2005, Maître Xavière CAPORAL a rejoint le Barreau de Nantes en janvier 2019. Elle a également obtenu un DU de Médiateur à l’IFOMENE en 2021 et est membre de l’Association des Médiateurs Européens (AME). Elle est diplômée d’une Maîtrise de Droit privé (Master 1), mention droit des affaires (Université Paris II Panthéon ASSAS), d’un DEA (Master 2) en Droit des médias (Université Aix-Marseille III) et d’un DESS (Master 2) en Droit des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Université de Versailles).

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